Blog d'Étienne Pourcher
Alors que l'élection présidentielle approche, des débats engagés touchent au changement climatique, à la transition énergétique, à l'énergie et à son coût, au pouvoir d'achat, à l'emploi et la réindustrialisation de nos territoires... Au coeur de ces enjeux : les énergies marines renouvelables.
Depuis 5 ans, l'Observatoire des énergies de la mer analyse le déploiement de cette filière en France. Avec 4 parcs en construction, 3 autres déjà attribués et des appels d'offres en cours, les énergies marines renouvelables prennent leur essort en France. Dans l'éolien, posé et flottant, mais aussi l'hydrolien, le houlomoteur... La mer a tant d'énergie à fournir. Avec 5 000 emplois créés, la filière montre sa capacité à produire, sur notre territoire, les moyens de créer, installer faire fonctionner ces technologies. Grâce à de bons chiffres à l'export et des prix d'attribution compétitifs, la filière démontre aussi que sa place dans le mix énergétique français sera bonne pour l'environnement mais aussi pour le porte-monnaie du consommateur.
Une note de l'Observatoire des énergies de la mer revient en détail sur ces aspects : elle est consultable en libre accès ici : http://merenergies.fr/media/Note-OEM-15.pdf
Pour la poursuite de cette belle histoire, tous les scenarios de RTE pour le mix énergétique des années futures nécessitent un fort développement des énergies marines renouvelables : entre 22 et 62 GW à installer (contre moins de 4 attribués et en cours de développement aujourd'hui...). L'Union européenne fait également de ces sources d'énergies une priorité! Avec le 2e espace maritime mondial et le 2e gisement éolien européen la France a donc toute sa place. Pour y parvenir, notre pays doit planifier le développement de l'éolien, posé et flottant mais aussi de l'hydrolien puissant stabilisateur de réseau.
La prochaine Programmation Pluriannuelle de l'Energie (PPE) en sera l'occasion, ne soyons pas frileux! Accélérer à 2GW attribués par an puis 2,5 GW permettra d'atteindre nos objectifs environnementaux tout encréant des emplois durables de qualités sur l'ensemble du territoire. Ceci passe par une concertation plus larges des acteurs des territoires concernés, à plus long terme dans le cadre d'une planification spatiale et des réseaux.
Don't look down!
La nouvelle année 2018 s'ouvre sur une période propice à la concertation et au débat, pour ce qui est des énergies marines renouvelables. Alors que la France n'a qu'une seule éolienne en mer venant de fournir ses premiers kilowattheures (l'éolienne flottante du consortium Floatgen autour d'Idéol, Bouygues TP, Centrale Nantes...), l'Europe avec plus de 3500 turbines et 13 GW installés a fait de l'éolien en mer un pilier de son mix énergétique. 6 parcs sont en développement en France pour un total de 3 GW et 1 est en cours d'attribution pour un maximum de 700 MW supplémentaires. Mais au-delà? Comment atteindre les engagements de la France, tant au niveau mondial - COP 21 - qu'Européen - le Parlement Européen vient de réhausser les objectifs de production d'énergie renouvelable à 35% de la consommation totale en 2030 en souhaitant que soient instaurés des objectifs contraignants par Etat. Si les négociations avec le conseil aboutissent, la France devra donc y prendre sa part, alors qu'elle est globalement en retard.
Alors comment faire? L'éolien en mer, technologie la plus mature parmis les emr (avec l'hydrolien qui passe au stade pré-commercial) a besoin de simplification pour son développement : les premiers parcs pré-cités ont été attribués en 2013 et ne sont pas encore en construction, alors que dans le reste de l'Europe le développement de parcs nécessite moitié moins de temps. L'actuelle loi "pour un Etat au Service d'une Société de Confiance" (loi ESSOC) va simplifier grandement les procédures et accélérer les processus en unifiant les autorisations dans une seule, en permettant d'utiliser la technologie la plus moderne au moment des travaux (sans la figer à ce qui existe au moment de l'appel d'offres)...
Pour autant, il est nécessaire de se donner des objectifs. C'est l'objet de la Programmation Pluriannuelle de l'Energie (PPE) issue de la Loi de Transition énergétique pour la croissance verts (LTECV, 2015) qui a abouti à un premier décret fixant des objectifs pour la période 2018-2023, dont la révision va démarrer pour 2018 - 2028. Quelle sera la place des énergies de la mer à cet horizon? Au gouvernement de fixer des objectifs - au regard de notre espace maritime national, le 2e au monde! et de notre gisement de vents, un objectif de 21 GW est envisageable - et aux acteurs d'afficher leurs propositions. La Commission Nationale de Débat Public CNDB lance donc un grand débat national sur ce premier semestre avant que le Gouvernement ne fasse ses propositions qui seront soumises à concertation cet automne avant approbation de la PPE, probablement fin 2018. Le débat public de février à mai 2018 a pour objectif de favoriser l'expression des publics et de faire des recommandations avec un site internet : ppe.debatpublic.fr mais aussi un questionnaire en ligne, des cahiers d'acteurs, des ateliers thématiques, des auditions d'experts, un panel citoyen...
Mais en face, il faut tenir compte des autres usages en mer! C'est tout l'objet des travaux concernant les Documents Stratégiques de Façade dans les Conseils Maritimes de Façade : planifier les usages en mer. Même si 21 GW d'éolien ne nécessiteraient que 0,8% de la surface maritime, encore faut-il indiquer où et avec quelle coexistence des usages (l'éolien pouvant s'éloigner de plus en plus des côtes avec la technologie du flottant). Les différents Documents Stratégiques de Façade sont soumis à concertation sur un site internet merlittoral2030.gouv.fr A chacun de s'en saisisr!
Ainsi, la France pourra se donner, au cours de cette année 2018, les moyens de ses ambitions en termes d'énergies renouvelables et de transition énergétique. Notons au passage que les énergies de la mer nourrissent actuellement l'émergence d'une nouvelle filière industrielle française avec déjà 2000 emplois recensés en 2016 (chiffre de l'observatoire des énergies de la mer www.merenergies.fr)...