Blog d'Étienne Pourcher
Passage des camions dans les cols vosgiens, déplacements nécessaires des habitants, rigueur du climat montagnard et nécessité de faire face aux dépenses énergétiques des logements, précarité énergétique, industries consommatrices d’énergie, filière bois… : énergies et climat sont le quotidien de la Déodatie.
Au moment où se déroule le sommet international contre le changement climatique à Durban en Afrique du Sud, l’opinion publique est à nouveau alertée sur les dangers du réchauffement climatique et les responsabilités de chacun dans la réduction impérative de nos émissions de gaz à effet de serre.
Au cours des dernières années, se sont développés des engagements volontaires au travers de Plans climat. Chaque collectivité territoriale peut, avec les acteurs de son territoire, concevoir et mettre en œuvre un Plan climat dont l’objectif est de contribuer, à son niveau, à réduire de 3% par an ses émissions de gaz à effet de serre. C’est le cas du Syndicat Mixte du Pays de la Déodatie qui a lancé cette action en 2011, avec l’ensemble des acteurs du territoire.
Les 3 objectifs majeurs d’un plan climat : la réduction des émissions, les économies d’énergie, et les énergies de remplacement (renouvelables).
Un diagnostic déodatien des émissions de Co2 (bilan carbone) a donc été réalisé pour le Syndicat Mixte de Pays par le cabinet Terra Energie et a permis de définir quels sont les secteurs les plus émetteurs, là où des réductions sont possibles. Il s’agit de définir des mesures d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (économies d’énergie, efficacité énergétique, production énergie renouvelables) et des mesures d’adaptation aux changements climatiques (changement de modes de vie, gestes, sensibilisation, gestion des risques notamment sécheresses et inondations). Ce diagnostic a été partagé dans des ateliers thématiques, avec les acteurs du territoires.
Il s’agit maintenant d’en tirer un programme d’actions. Le Plan est constitué d’un ensemble de mesures concrètes dans tous les secteurs de l’économie et de la vie quotidienne appelé « Plan d’actions ». Il a été présenté dans ses grandes lignes lors des Assises du Plan Climat du 3 décembre 2011, en présence de M. Christophe Salin, sous Préfet, Etienne Pourcher président du Syndicat Mixte de Pays, et Denis Henry, président du Conseil de développement.
L’objectif de -3% d’émission peut s’appliquer à tous (individus, entreprises, collectivités locales, Etat) et chacun était donc convié à cette présentation.
Sur la base de l’état des lieux exposés ci avant, le Plan Climat de la Déodatie peut d’ores et déjà prévoir :
- une poursuite des diagnostics des bâtiments et de toutes les incitations à mener des opérations de rénovation thermique
- le développement de la filière bois locale (bois énergie, bois construction)
- une amplification de la filière de valorisation des déchets verts (co-compostage, méthanisation)
- un développement des énergies renouvelables dans toute leur diversité et en tenant compte des spécificités du territoire
- une offre variée en matière de transports moins émetteur de gaz à effet de serre : co-voiturage, TAD, vélo, chemins piétons, coordination et développement des offres bus et TER.
Dès le début de l’année 2012, par thème et par action, les porteurs identifiés pourront se retrouver pour mettre en œuvre les idées évoquées dans le Plan d’actions.
Mais un élément restera déterminant dans la réussite de cette opération : la capacité des décideurs de ce territoire à mutualiser leurs efforts, leurs actions et leurs moyens car sans coordination, sans stratégie commune, nous ne réussirons que partiellement à relever les défis énergétiques et économiques qui sont devant nous.
J’ai été bouleversé par la catastrophe nucléaire du Japon ; elle ne fut pas sans me rappeler celle de Tchernobyl et les récents développements judiciaires en France – sur la transparence des informations – ont choqué plus d’un. J’ai écouté les 6 candidats à la primaire socialiste : le nucléaire a été un moment fort du débat. Pourtant, selon moi, l’essentiel n’est pas de savoir « quand », c’est-à-dire si on doit sortir du nucléaire dans 40 ans, dans 25 ans ou demain. Si chacun s’accorde à vouloir sortir du nucléaire, le tout est de dire aux Français « comment ».
La comparaison avec l’Allemagne n’est pas de mise, tant ce pays part d’un niveau d’électricité issue du nucléaire plus bas que le notre (25% contre plus de 75%) et tant ce pays a une propension à importer son électricité.
Ce débat doit aussi être lié à la nécessaire lutte contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre. Il ne peut en être déconnecté. Hors de question de sortir du nucléaire en remplaçant cette technologie par des centrales thermiques. Ceci sans compter la question stratégique de notre indépendance énergétique.
Alors comment ? D’abord, une méthode pragmatique pourrait être de cibler les centrales à fermer selon une classification grâce à des critères qui feraient l’unanimité (dans l’ordre de vétusté, en fonction de leur sécurité…). L’objectif pourrait être de dire au pays : fermons la centrale A qui produit X quantités d’électricité et donnons nous pour date de fermeture la date à laquelle nous pourrons nous en passer, soit grâce à une baisse de la consommation nationale, soit grâce à une hausse équivalente des énergies renouvelables. Ensuite nous passons à la deuxième centrale, etc.
Il me semble que le débat doit se focaliser d’une part sur le potentiel des énergies renouvelables à développer : quelle est notre capacité d’utilisation du bois énergie sans remettre en cause l’équilibre des forêts françaises ? quel est le niveau acceptable d’éoliennes sur nos territoires ? comment développer une filière photovoltaïque sans les allers-retours destructeurs de l’actuel gouvernement (une entreprise de l’Ouest Vosgien vient encore de fermer ses portes…) etc. Les réponses à ces questions donneront un rythme et un calendrier de remplacement des centrales.
D’autre part, l’autre pilier de cette nouvelle politique énergétique réside dans les économies d’énergies qui offrent un potentiel conséquent : les diagnostics énergétiques réalisés sur les bâtiments communaux, par le pays de la Déodatie que je préside, ont montré les gains d’énergie possible, mais aussi les travaux engendrés et donc le gain de croissance et d’emplois. Pour les particuliers, les marges sont tout aussi fortes. Cependant, pour les communes comme pour de nombreux foyers en précarité énergétique ou tout simplement les foyers modestes, le coût de réalisation de ces travaux est souvent prohibitif. De nombreuses familles écrasées par les frais (notamment de chauffage) ne peuvent avancer le montant nécessaire pour réaliser ces économies. Pourquoi ne pas imaginer un système d’avance de fonds, qui pourrait être mis en œuvre grâce aux opérateurs publics que sont l’ADEME ou l’ANAH, dotés à cet effet, sur le principe : l’Etat vous avance l’argent nécessaire et en retour, si vous économiser 100 sur vos factures, vous en reversez 60 pendant un certains temps à l’Etat pour rembourser cette avance. Enfin, dans le domaine industriel, la facture énergétique est souvent un élément de la compétitivité des sites (je pense en particulier aux papeteries vosgiennes…) il faut absolument mettre en place des mécanismes similaires d’avances remboursables.